Tu es méchant, tu es timide, les maths ce n’est pas ton fort…. Je ne sais quelle affirmation vous parle. Demandez-vous un instant quelle idée véhiculée dans votre petite enfance est devenue vôtre au fil du temps, au point d’en devenir une vérité dans votre esprit.

La mienne c’était « tu parles trop »… Certes, je parlais beaucoup, mais trop ?

Je ne sais pas exactement à quel moment je suis passée de la « pipelette », à « l’introvertie ».

Voix douce et basse, choix des mots, voilà ce qui est aujourd’hui la résultante de cette croyance qui s’est plantée comme une graine dans mon cerveau. Elle a lentement germée jusqu’à établir des racines bien ancrées. J’en ai même fait mon métier. Une voix qui berce, des mots qui visent l’essentiel, je suis praticienne en Hypnose Ericksonienne. Ça sonne comme une belle histoire. Mais avant d’en arriver là, au point d’en faire une force, il a fallu dépasser des mécanismes qui semblaient plus forts que moi.

On a tous autour de nous des grands timides. Je faisais partis de ce club-là. J’ai réalisé un jour que j’avais toujours peur de prendre trop de place en parlant… hmmmhmm, mais d’où ça vient donc ? Le jour où tout s’est désamorcé, ma vie a changé. Mais quel temps perdu !

Les mots assénés dans la petite enfance sont comme des étiquettes qui collent très fort. Plus nous insistons sur un comportement de l’enfant (« tu es lente », « tu n’es pas soigneux », « tu es bagarreur »), plus il a tendance à se renforcer. De quoi rentrer dans un cercle vicieux qui ne s’arrête parfois qu’à l’âge adulte, au moment de la prise de conscience du mécanisme. C’est le sociologue américain Robert King Merton qui a été le premier à nommer ceci les prophéties auto-réalisatrices : « La prophétie auto-réalisatrice est une définition d’abord fausse d’une situation, mais cette définition erronée suscite un nouveau comportement, qui la rend vraie ».

L’effet Pygmalion décrit par le psychologue américain Robert Rosenthal illustre parfaitement la définition de Robert King Merton. Au milieu du XX° siècle, il mène une expérience avec des étudiants. Des petits groupes sont formés. Il leur explique qu’il souhaite faire une expérience sur des rats en situation d’apprentissage dans un labyrinthe. Il fait croire aux différents groupes que leurs rats ont été soigneusement sélectionnés pour leurs capacités intellectuelles médiocres ou au contraire, à d’autres groupes, pour leur intelligence supérieure. En réalité, les rats n’ont subi aucune présélection et sont répartis au hasard. Les résultats sont stupéfiants. Les rats supposés être intelligents obtiennent des résultats beaucoup plus performants que les autres. Les étudiants pensant avoir des rats plus malins les ont stimulé différemment.

Suis-je en train de comparer nos enfants à des rats… Non. Enfin pas vraiment…. En fait, je compare surtout notre attitude de parents à celle de ces étudiants. Comment notre manière de voir nos enfants, comment le regard de l’institutrice, ou celui de l’entraineur de sport va générer un postulat qui conditionne l’enfant en cours de construction.

Mais alors comment mieux communiquer avec eux ?

 

  • Distinguer l’enfant de son comportement.

Je me souviens de la séance la plus courte que j’ai effectuée. Elle a duré environ 5 mn. J’avais en face de moi un petit garçon décrit comme « méchant ». Après l’explication de la maman, je m’adresse directement à mon patient de 5 ans. « Sais-tu pourquoi tu es là ? », « Oui, parce que je suis méchant », « Ah oui ? Et pourquoi es-tu méchant ? », « Parce que maman me l’a dit». La mère fond en larmes avec toute la culpabilité que ces quelques mots de son fils représentent. « Imagine, que maman dise que tu es gentil, qu’est-ce que ça change?», « Eh bien, je serai gentil ». J’ai eu des nouvelles de cette maman quelque temps après la séance. Evidemment, il n’est pas devenu un ange pour autant. Mais un vrai changement s’est amorcé ce jour-là.

Elle a offert à son fils la possibilité de se voir différemment. En posant un nouveau regard sur lui-même, il s’est permis de changer. Il n’est pas méchant. Il a seulement parfois des pulsions qu’il n’arrive pas à maîtriser pour l’instant.

 

  • Voir les besoins cachés derrière le comportement.

Chaque difficulté de comportement d’un enfant correspond en réalité à différents besoins non-comblés. Il ne s’agit pas d’un trait de caractère qui se dessine. J’ai souvent entendu en cabinet « Je suis anxieux, c’est dans ma nature ». En réalité, ça n’est dans la nature de personne. Mais ces adultes s’étant affublés de cette pensée, sont seulement de grands enfants regardés à un moment donné avec ce jugement. Quel que soit le comportement inapproprié (colère, caprice…) l’élément déclencheur n’est pas celui qui paraît.

Selon le psychosociologue Jacques Salomé, l’enfant a 8 besoins fondamentaux : survie, sécurité, socialisation, reconnaissance, différenciation, évolution, individuation et réunification. A un jeune âge, il est impossible de verbaliser ses besoins correctement, ni même de les comprendre. Quand ils sont inassouvis, il se déclenche alors des réactions inadaptés que nous pouvons prendre pour de l’égoïsme, du caprice, de la méchanceté etc… Observez ce qu’il y a derrière permet d’éviter toute stigmatisation inappropriée.

 

  • Donner l’exemple.

Quelles sont vos étiquettes ? Quelle attitude avez-vous envers vous-même quand vous échouez ou quand vous vous regardez dans le miroir ? Communiquez-vous globalement un regard positif sur vous-même ?

Les enfants agissent tous en mimétisme. C’est leur façon d’appréhender le monde et d’appendre. En leur communiquant un bon regard sur vous-même, votre enfant cultivera alors un bon regard sur lui.

En imaginant que vous ne portez aucunes étiquettes négatives sur lui non plus, il n’a aucune raison de s’en coller tout seul. Arrivera le moment où il est confronté à l’école, au monde extérieur. Avec une base positive solide, vous écartez largement la possibilité qu’il en crée.

 

  • Exprimer vos attentes lors d’un comportement inapproprié.

Face à un débordement d’énergie, une « bêtise » répétée, une mauvaise note, nous allons intuitivement reprocher cette action d’une manière négative. La partie inconsciente de votre enfant se focalise alors sur ce reproche et ne perçoit pas ce que l’on attend de lui. Prenez 5 secondes pour ne surtout PAS visualiser un rond jaune… en étant attentif au raisonnement qui se crée alors, vous pourrez percevoir que le premier réflexe est de visualiser ce rond jaune. Dans un deuxième temps, vous avez réussi probablement à dévier votre pensée vers autre chose. Pour votre bambin au cerveau immature la tâche est beaucoup plus ardue.

« Ne cours pas ! ». L’image qui s’imprime alors est celle de lui courant à toutes jambes. Vous pourrez avoir indéfiniment l’impression qu’il fait exprès de continuer à courir, mais le problème vient essentiellement de votre communication. « Marche doucement » aura beaucoup plus de succès.

Ceci est applicable pour toutes les étiquettes imaginables. Quand un enfant fait preuve d’agressivité par exemple, il est beaucoup plus efficace de lui expliquer comment être gentil. Puis de lui montrer le bon geste et enfin de lui expliquer votre sentiment quand il agit d’une manière inadaptée. « Quand tu tapes, je ressens de la tristesse/colère…. Par contre, quand tu me fais un câlin et que tu me montres à quel point tu sais être gentil, ça me rend heureux et je sais que toi aussi, ça te rend heureux ».

 

  • Exprimer beaucoup plus de positif à son égard devant lui.

Annoncer les uns après les autres les reproches semblent une pratique plus que courante. Les critiques laissent pourtant une empreinte bien plus profonde que les compliments. Il est estimé que pour être dans une balance positive, il est nécessaire de mettre 5 compliments en face d’une critique négative.

Prenez alors le temps de valoriser les « petites choses » du quotidien. Il a pensé à se brosser les dents tout seul ? Génial ! Ses chaussures sont bien rangées dans l’entrée ? Waouhhhh ! Evidement je force le trait. Mais imaginez un enfant très valorisé dans ses gestes d’autonomie. La pensée qui va s’implanter dans son cerveau est « je suis autonome ». Répercutez ça sur toutes les valeurs que vous voulez transmettre à votre enfant. « C’est super, tu as partagé ton morceau de pain ». « Je suis très fière de toi quand tu me proposes de m’aider à ranger les courses ». « Je suis contente de voir à quel point tu es concentré quand tu fais tes additions » …

 

 

 

Listez toutes les étiquettes positives à transmettre à votre enfant. « Je suis poli », « Je suis prudent », « Je suis gentil », « Je mange de tout », « Je suis attentif », « Je suis partageur », « J’ai confiance en moi »,… Quand la liste est établie, vous avez alors tout le loisir de multiplier les suggestions qui vont dans le « bon » sens. Ainsi vous le dirigerez avec bienveillance vers un chemin de vie beaucoup plus simple à arpenter.

Et souvenez-vous qu’on ne transmet pas que nos gênes à nos enfants… A vos étiquettes 😉